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— Voyons, dit tout à coup Furibus à son ami, marque donc ton jeu. Je ne sais vraiment pas où tu as la tête aujourd’hui.

— Ah ! oui, c’est vrai, repartit Prudence, qui parut sortir d’un rêve.

— C’est à toi de jouer, reprit Furibus.

— C’est à moi ?

— Eh ! sans doute !

Et Furibus, impatient des distractions de Prudence, secouait avec violence les dés dans le cornet.

Mais Prudence, toujours distrait, se mit soudain à jouer dans le jeu de Furibus.

— Ah ! pour le coup, c’est trop fort ! À quoi, saperlotte ! penses-tu donc ?

Prudence passa la main sur ses yeux comme pour en chasser une vision importune.

— Peut-être êtes-vous souffrant, monsieur Prudence ? demanda doucement Virginie.

— Mais non, répondit-il en affectant un air dégagé.

— Alors, si tu ne souffres pas, reprit vivement Furibus, tu as certainement quelque chagrin, quelque ennui, une préoccupation enfin. Depuis quelque temps, tu changes à vue d’œil. Quand je te parle, c’est à peine si tu réponds. Je t’entends presque toutes les nuits te promener dans ta chambre à grands pas. Corbleu ! si je savais que tu eusses des secrets pour un vieil ami, qui, lui, pense tout haut devant toi !…

— Je n’ai rien, je t’assure. Voyons, à toi de jouer.

Furibus jeta le cornet et les dés avec colère.