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journaux et le cours de la rente, sonder l’obscur horizon de la politique et approfondir l’étude du tric-trac.

Ainsi s’écoulaient ces deux belles et utiles existences.

Belles ! ils avaient chacun plus de cent mille francs de rente.

Utiles ! ils dépensaient leurs revenus, et, comme le disait Furibus, contribuaient ainsi à faire prospérer l’industrie.

D’après ce préambule, on le devine, Prudence et Furibus étaient deux bons et honnêtes bourgeois, capitonnés dans leur bien-être et dans leur égoïsme, et par conséquent deux fanatiques partisans de l’ordre et de la royauté, deux conservateurs à outrance, selon la formule consacrée, de la religion, de la famille et de la propriété.

La religion ! Ce n’était pas qu’au fond ils fussent croyants le moins du monde. À huis clos, ils glosaient volontiers sur la prêtraille et se vantaient d’être parpaillots.

— Qu’avons-nous besoin, nous, de religion ? disait Furibus. N’avons-nous pas le nécessaire et même le superflu ? Nous ne prendrons donc jamais rien à personne. Mais au peuple il faut une croyance qui lui enseigne la résignation, le mépris des richesses, l’amour de la pauvreté, en tout cas, le respect du bien d’autrui et la crainte salutaire de l’enfer, corollaire essentiel de la crainte du gendarme.

La famille ! Tous deux la respectaient fort, en parole du moins, car ils avaient bien sur la conscience quelques mignons adultères que,