le monstre est là, toujours là, m’obsédant sans cesse. Je sens sur mon visage son souffle de flamme ; je vois le rire diabolique qui éclate dans ses yeux ardents ; et j’ai beau me dire : cela n’est pas, c’est un rêve ; malheureusement cela est, le monstre existe ; il nous dévorera, Furibus !
— Voyons ! voyons ! rassure-toi, mon pauvre Prudence. C’est une hallucination qui passera. Nous tâcherons de calmer ton esprit malade.
— Hélas ! mon esprit se porte trop bien : il voit trop clair.
— Décidément, ce pauvre ami a perdu la raison, pensa Furibus, qui regarda sa fille d’un air consterné.
— Je devine ta pensée, reprit Prudence, tu me crois fou. Ah ! plût à Dieu que cette hydre ne fût que la création délirante d’un cerveau détraqué ! exclama-t-il en essuyant la sueur qui ruisselait de son front. Mais ce monstre n’est qu’une image, hélas ! trop exacte. Ne l’as-tu pas reconnue ?
— Une image de quoi ? demanda Furibus, qui craignit de comprendre.
— Du prolétariat coalisé et organisé, autrement dit de l’Internationale, répondit Prudence d’une voix sourde.
Furibus tressaillit, et Virginie laissa tomber sa broderie.
— Oui, reprit Prudence, cette hydre, c’est l’image du prolétariat qui couvre le monde, qui commence à prendre conscience de sa force, qui se redresse et qui menace. L’Interna-