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bonne race, de la vraie race du bon peuple, de celui qui aime plus que sa propre vie, la liberté et la justice.

Donc, je suis républicain, non point par mécontentement du sort, car je suis riche pour un paysan. J’ai une vigne en bon rapport ; un pré, ma foi ! qui est un beau mouchoir à bœufs, comme on dit chez nous ; un champ qui, bon an mal an, me rapporte ses cent mesures de blé ; une maison avenante et bien montée ; à l’étable, deux grands bœufs roux et une vache blonde comme le froment ; et tout le monde vous dira que la Froumoine est la meilleure laitière de Neubourg, puisqu’elle nous fait six beaux gruyères tous les ans.

Ainsi je n’attends de la République ni emploi, ni argent, ni galon ; mais je suis républicain, parce que je crois fermement que la République est le gouvernement du peuple, le seul qui puisse lui donner aisance, tranquillité et bonheur. Et cette opinion-là, je la garderai dans ma caboche jusqu’à la mort.

Aussi vous pouvez croire qu’auprès des bourgeois et des cagots de Neubourg, je ne suis point en odeur de sainteté, à preuve que le curé disait dernièrement en chaire : « Mes frères, nous avons le diable parmi nous. » Les saintes âmes ne s’y sont point trompées. Le diable, parbleu ! c’est Caboche.

Donc, vous savez déjà que je suis de