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prends, j’avais tant à faire et puis le courage me manquait, mais à présent, je vais tout te raconter. Et pendant qu’il lui donnait les détails, sœur Hélène ne pouvait s’empêcher de temps à autre de relever la tête de dessus son livre pour contempler le joli groupe qu’elle avait sous les yeux.

Assis tout près l’un de l’autre, se parlant à mi-voix, leurs deux têtes rapprochées, l’air parfaitement heureux, ils faisaient pourtant le plus absolu contraste ; elle, si blanche, si menue, si délicate ; lui, si grand et si rayonnant de jeunesse et de force.

Le regard de sœur Hélène allait de l’un à l’autre des deux enfants, partagée entre l’admiration, la crainte et la pitié. Enfin, elle se leva pour prendre congé, et, sans adieu, avec son meilleur sourire, elle embrassa Petite Nell et lui dit gaiement au revoir, puis, pendant que Louis continuait à l’amuser par son babil et ses récits, elle s’achemina du côté de sa demeure.

Elle gravit, sans regarder autour d’elle, les degrés du perron de la jolie villa, poussa la porte et se trouva dans une grande pièce toute meublée de vieux chêne.

— Enfin ! c’est toi, je n’y comptais plus.

Et une main se tendit vers elle de derrière une longue table à écrire. Et, si Petite Nell eût pu voir son docteur en ce moment, elle l’eût à peine reconnu, tant il y avait de douceur dans son regard et dans sa voix, même le pli soucieux de son front s’était presque effacé.

— Mais, dit sa sœur, en s’asseyant sur le fauteuil réservé aux patients, je t’avais promis de revenir aujourd’hui.