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avait déployé, pour enseigne, la plus vaste toile, peinte couleur de sang, et faisait voir, en effrayant le monde de la voix et du geste, les horribles massacres des prisons de Paris pendant les six premiers jours de ce mois. Le bourreau-chef était là avec une figure de tigre, enluminée de carnage ; autour de lui tombaient les cadavres, et manœuvraient les égorgeurs ; dans leur crédule simplicité, les bonnes gens se demandaient si l’étranger débarqué ne serait pas le correspondant de ces monstres. On voyait la dégoûtante enseigne depuis la table des noces ; et alors un ancien serviteur de l’Abbaye s’était mis à lire un fragment de journal qui faisait frémir ; il l’avait rapporté de Paris, où il avait suivi la jeune duchesse de Savoie-Carignan, depuis madame de Lamballe, dont il était devenu le valet de pied. Cette feuille était pour lui une relique qu’il gardait suspendue au chevet de son lit, entre le mur et un crucifix de la princesse ; elle contenait la mort de sa maîtresse