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par un grand désastre ; elle se figurait le lac couvert d’embarcations dispersées par les vents, poussant dans l’ombre des cris de détresse vers toutes les rives, et à la suite de la tempête, un ouragan bien autrement affreux, les soldats de la Convention tombant tout à coup sur le pays, ravageant ce qu’elle eût voulu sauver en mourant, ce qui était sacré pour tous. Ces pressentiments avaient chez elle le caractère d’une sorte d’obsession surhumaine, si bien qu’elle les avait manifestés au couvent avec le prestige d’une vraie prophétesse. Le soleil avait beau, en un ciel pur, projeter de longues colonnes d’or sur le miroir du lac, Corvény, semblable à l’animal du désert, humait, pour ainsi dire, l’orage par tous ses pores. La couleur de l’étoile couchée là veille, du soleil levé le lendemain, le cri de l’oiseau, le sifflement du reptile, un trait, une tache à l’horizon, c’étaient là ses indices ; elle riait des autres.

On disait bien, et l’histoire a dit de même,