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compense ! S’il faisait entrer dans les tuyaux de l’orgue des souffles ravissants à faire tomber les moines en extase, on disait qu’il faisait courir dans l’orgue une armée d’esprits follets. S’il transcrivait en quelques nuits toutes les pages d’un énorme missel, paroles et plain-chant à la fois, en caractères si purs, si fermes, si saillants que le burin ne ferait pas mieux, on disait que le diable s’en mêlait. S’il mettait à la tête de chaque messe une grande et belle lettre, dessinée en vignette, ayant des contours charmants, découpant sa forme en traits d’or et d’azur, et faisant filer dans la marge une fusée de broderies gracieuses, l’abbé, en lui tirant doucement l’oreille, lui disait qu’il était vraiment sorcier. À la vérité s’il faisait d’un vilain moine un beau portrait, celui-ci pour le coup s’écriait qu’il peignait comme un ange ; mais ange ou démon, peintre, statuaire, brodeur, musicien, de quoi lui servaient tous les genres de talents, s’il n’était pas aimé ? ce n’est pas