Page:Gache - Le Dernier Jour du monastère d’Hautecombe.pdf/202

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 191 —

cor et en sonnait d’une manière si formidable que chacun se croyait au jugement dernier et faisait le signe de la croix en demandant pardon à Dieu. Ensuite il ouvrait la porte du clocher, montait comme un écureuil l’escalier tournoyant, enjambait le vide des marches qui manquaient souvent, puis sonnait son cor d’une main et les cloches de l’autre ; en même temps l’horloge de la commune qu’il avait détraquée battait coup sur coup deux ou trois cent heures. C’était un tintamarre à faire trembler les morts, et lui riait de sa malice, pointant ses yeux de flamme à l’œil de bœuf du clocher pour savoir si quelque chose de vivant remuait dans l’ombre parmi les maisons du village ; peine perdue, car tout vivant faisait le mort.

Le pauvre Nain entreprenait tout cela à regret, pour se venger de ne pouvoir être aimé ; il voulait absolument être aimé et n’en pouvait venir à bout. Il était désespéré de voir qu’on le fuyait comme un être inconnu