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Je demeurais ainsi, prenant le mal à partie, une bonne portion de la nuit que je passais à Genève, proférant quelquefois tout haut ce que je pensais, comme si l’adversaire avait à répondre. Je ne pouvais maîtriser mon agitation. Mes pensées revenaient sans cesse par le chemin que j’avais fait, jusqu’aux rives de ce lac, à mes yeux disparu, et dont l’image était toujours devant moi. Il fallait fuir pourtant, et gagner le Valais. À Bex, la Providence me fit rencontrer l’appui qui me manquait, dom Lémeinc, le plus généreux des nôtres. Sa présence me ravit comme après de longues années de séparation. Nous étions deux ; nos peines étaient moindres de moitié. Il avait, lui, une angélique résignation qu’il devait uniquement à sa belle âme, aimant le sacrifice ; l’exaltation du moment n’y était pour rien. Le bonheur, d’avoir sauvé Corvény et changé le neveu de son ami lui faisait une fête jusque dans l’exil ; il m’assurait que c’était la première fois de sa vie qu’il avait fait