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Je n’achevai pas ; le vieillard ne m’eût pas compris. Je le serrai une dernière fois sur ma poitrine, fis mes adieux à sa famille et pour toujours. Ses domestiques me tinrent lieu du paysan qui m’avait suivi. Je laissai celui-ci convaincu que nous ne mourrions pas sans nous revoir, et que le. bon roi Victor-Amédée III, fondateur des bains d’Aix, lui qu’on nommait partout le père de son peuple, ferait prompte justice de toutes ces scélératesses : douce et naïve persuasion que je n’avais pas la consolation d’avoir comme lui ; la France devait ébranler le monde plus longtemps que nous ne vivrions tous les trois, paysan, moine et monarque.

Le lendemain j’étais à Genève. Mes premiers pas vers la terre étrangère s’étaient arrêtés dans la ville de Calvin. Au souvenir de cet homme, je sentais les chaînes de l’exil peser sur moi plus rudement. Je songeais que les deux demi-dieux de Genève, Calvin et Rousseau, m’en avaient forgé les anneaux.