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Bon nombre de phrases inachevées rappelaient l’agonie de ce départ qui devait être sans retour, les larmes de ses frères et leur dispersion pour rendre la fuite moins périlleuse. Lui se trouvait le lendemain sur les monts de Cessens, à l’est de la vallée qui va du lac au Rhône ; de là il avait vu, tourné vers le cloître, les vitraux de sa cellule flamboyer au soleil levant qui s’y réfléchissait en lueurs d’incendie ; un vieux domestique de l’Abbaye était à ses côtés : celui-ci, incapable de se résigner comme son maître, se heurtait le front des deux mains, laissait échapper des paroles d’imprécations, en regardant là-bas, devant lui, ces bâtiments dont ses bienfaiteurs n’étaient plus propriétaires. Il apercevait, et le moine avec lui, au milieu du jardin qu’il avait si longtemps labouré lui-même, une ronde d’hommes tournant autour d’un grand feu ; à côté, les armes dressées en faisceaux dardaient leurs reflets d’acier et semblaient couronnées de ce qu’on eût pris de loin pour