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c’était s’avouer vaincu. Ce dernier acte de courtoisie acheva de lui gagner tous les cœurs, et, malgré sa défaite, il partagea avec son rival tous les honneurs de la victoire. Un seul lui manqua, celui peut-être qu’il enviait le plus. Une pâleur mortelle avait couvert, pendant toute la durée du combat, les joues de Sacramenta, mais cette pâleur fit bientôt place à une vive rougeur, quand Calros s’avança vers elle. Tandis qu’elle recevait de lui les précieux rubans qu’il avait si vaillamment gagnés, les mouvements tumultueux de son sein, un doux et radieux sourire, des regards qui ne se baissaient plus vers la terre, disaient assez éloquemment à l’heureux vainqueur que sa bien-aimée attachait autant de prix à ce nœud écarlate qu’il en attachait lui-même à la fleur de suchil tombée la veille de sa chevelure.

Ce dernier épisode avait passé à peu près inaperçu de tous. Les hommes entouraient l’étranger, qui, cette fois, les avaient conviés à passer au cabaret ; Calros ne tarda pas à les rejoindre, et les deux rivaux luttèrent encore de prodigalité au grand contentement des invités, qui savouraient l’eau-de-vie à longs traits et se félicitaient d’avoir pendant huit jours un si brillant fandango à commenter. Pour moi, après avoir laissé pendant quelques instants l’étranger répondre aux questions des buveurs ; j’allais à mon tour m’approcher de lui et me faire