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moi, nous restions seul, éveillés. Fray Serapio, attentif au moindre bruit, tremblait sans cesse d’être surpris par son inflexible supérieur ; pour moi, j’étais sous l’impression de l’histoire, si malencontreusement interrompue, de fray Epigmenio. Voyant que le franciscain ne dormait pas, je le pressai d’achever son récit. Mon compagnon, qui ne pouvait fermer l’œil, fut heureux de trouver ce moyen d’occuper son insomnie, et il s’exécuta d’assez bonne grâce, après s’être mis sur son séant et s’être rapproché du feu.

– J’ai laissé, reprit-il, fray Epigmenio au moment où le hasard livrait à sa générosité une femme évanouie. Sa première pensée fut de prendre la fuite ; la seconde fut de rester, et il resta. Il cessa même d’appeler le chevalier blessé, dont il ne souhaitait plus le retour, et lorsque la jeune fille, sortant de sa léthargie, eut ouvert sur lui des yeux chargés de langueur, le révérend perdit la tête. Si à ce moment-là l’étranger se fût montré, le moine l’eût étranglé ; mais vous avez sans doute deviné que l’homme aux vêtements noirs n’était autre que le diable lui-même.

Pour toute réponse à cette assertion fort inattendue, je me contentai de secouer la tête. Fray Serapio, qui cachait sous ses prétentions de séducteur un grand fond de crédulité superstitieuse, crut sans