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ces bizarres récits. Don Romulo le rompit le premier.

Voilà décidément une société bien mêlée, le cheval de quelque bandit et le fantôme d’un moine, des spectres et des malfaiteurs !

Nous engageâmes fray Serapio à prononcer dans son formidable latin la classique formule d’exorcisme ; mais le moine nous répondit brusquement :

— Mon latin n’éloignerait pas le spectre dont il est question, il l’attirerait au contraire. Et Dieu veuille qu’il ne paraisse pas ! Sachez-le bien, il n’y a pas ici de revenant. Le fantôme qu’a vu le seigneur don Blas est une réalité. C’est mon supérieur, le révérend père Epigmenio, qu’un vœu de pénitence, prononcé à la suite d’une peccadille de jeunesse, ramène ici chaque année au retour de la semaine sainte. S’il m’aperçoit, comment justifier mon déguisement et ma folle excursion ?

La réponse du franciscain nous rassurait complétement, et son inquiétude n’excita en nous qu’une très-médiocre compassion. Voulant néanmoins éviter entre les deux moines une rencontre et peut-être un conflit désagréable, nous choisîmes pour y faire du feu une des cellules les plus retirées du couvent, et nous nous étendîmes autour du foyer sur nos manteaux humides. Bientôt l’étudiant, l’officier et le gentilhomme dormirent profondément ; le moine et