La jeune fille tressaillit à ces mots, qui rappelaient un fatal engagement dont elle avait essayé de bannir la mémoire. Sa poitrine se gonfla et ses larmes recommencèrent à couler.
« Bien, lui dit l’hacendero en souriant ; c’est encore du bonheur, n’est-ce pas ?
– Du bonheur ? répéta Rosarita avec amertume ; oh ! non, non, mon père. »
Don Augustin était plus dérouté que jamais ; car toute sa vie il s’était plutôt appliqué à deviner les ruses des Indiens, contre lesquels il avait longtemps disputé son domaine, qu’à scruter le cœur des femmes.
« Oh ! mon père ! s’écria Rosarita, ce mariage serait aujourd’hui l’arrêt de mort de votre pauvre enfant. »
À cette brusque déclaration qu’il était loin de prévoir, don Augustin demeura tout stupéfait, et, maîtrisant à peine l’irritation qu’elle avait fait naître chez lui :
« Quoi ! s’écria-t-il avec vivacité, n’avais-tu pas consenti toi-même à ce mariage depuis un mois ? N’avais-tu pas fixé pour son accomplissement l’époque où nous saurions si don Estévan ne devait plus revenir ? Il est mort ; que veux-tu donc à présent ?
– J’avais, il est vrai, fixé ce terme.
– Eh bien ?
– Mais j’ignorais alors qu’il fût vivant.
– Don Antonio de Mediana ?
– Non, don Fabian de Mediana, reprit faiblement Rosarita.
— Don Fabian ? Qui est ce Fabian dont tu parles ?
– Celui que nous appelions, vous et moi, Tiburcio Arellanos. »
Don Augustin demeura muet de surprise ; sa fille profita de son silence.
« Quand j’ai consenti à ce mariage, dit-elle, je croyais que don Fabian était à jamais perdu pour nous ;