Main-Rouge et Bois-Rosé, dressés tous deux sur leurs pieds avec la même rapidité, se choquèrent comme les deux troncs d’arbres et se prirent corps à corps.
La lave qui bouillonne et gronde sourdement avant d’être vomie par le volcan ne recèle pas un feu plus violent que celui qui consumait le Canadien au moment où il étreignit l’un de ses deux mortels ennemis, qui naguère l’avaient désarmé et humilié sans pitié ; qui l’avaient livré à la plus poignante douleur qu’il soit donné à l’homme de ressentir sans éclater ; qui l’avaient enfin jeté dans le désert comme une proie aux tortures de la faim. Bois-Rosé fit un de ces efforts surhumains qui doivent ou briser les muscles du corps ou triompher de l’obstacle.
Main-Rouge venait d’être blessé ; affaibli par la perte de son sang, sa vigueur athlétique avait en grande partie disparu. Serré dans les bras du Canadien comme dans un étau, sa respiration s’arrêta, un craquement sourd se fit entendre : le géant lui avait brisé la colonne vertébrale.
Pepe avait autrement compris le rôle qu’il avait à remplir ; il avait laissé le métis se lever le premier, et, à peine son front dépassait-il le niveau du tronc, que, par une manœuvre aussi hardie qu’inattendue, il lança de toutes ses forces sa hache contre la tête du métis. Pepe ne lui donna pas le temps de revenir de l’étourdissement que lui causèrent le poids et le tranchant de l’arme, et s’étant précipité sur lui et collé à son corps, il se releva presque aussitôt ; le métis ne bougeait plus.
Le père et le fils gisaient sans vie à côté l’un de l’autre.
« Chose promise, chose due ! » s’écria Pepe en montrant au Canadien son poignard, dont le manche seul dépassait la poitrine du métis ; puis, le retirant avec effort, il ouvrit de la lame les dents violemment serrées du pirate mort, il fit avec les doigts un mouvement indescriptible, et, jetant loin de lui un lambeau sanglant