« Bien, dit Fabian, le duc de l’Armada va savoir de quel crime est accusé don Antonio de Mediana. Parlez, Bois-Rosé, et dites ce que vous savez, et rien de plus. »
Cette recommandation était inutile.
Il y avait sur la rude et mâle physionomie du gigantesque descendant de la race normande, immobile à ses côtés, sa carabine sur l’épaule, tant de calme et tant de loyauté, que son aspect seul repoussait toute idée de trahison. Bois-Rosé se leva, ôta lentement son bonnet de fourrure et découvrit son large et noble front.
« Je ne dirai que ce que je sais, dit-il.
« Par une nuit brumeuse du mois de novembre 1808, j’étais matelot à bord du lougre corsaire-contrebandier français l’Albatros…
« Nous étions descendus à terre, d’après un arrangement fait avec le capitaine des miquelets d’Élanchovi, sur la côte de Biscaye. Je ne vous dirai pas, à ces mots un sourire effleura les lèvres de Pepe, comment nous fûmes chassés à coups de fusil d’une côte où nous abordions en amis ; il me suffira de déclarer qu’en regagnant notre navire, des cris d’enfant, qui semblaient sortir du sein même de l’océan, attirèrent mon attention.
« Ces cris venaient d’un canot abandonné. Je poussai le mien vers celui-là, au risque de ma vie, car un feu vif était dirigé contre mon embarcation.
« Dans ce canot, une femme assassinée nageait dans son sang. Cette femme était morte ; à côté d’elle un jeune enfant allait mourir.
« Je recueillis l’enfant ; cet enfant est l’homme ici présent, et il désignait Fabian.
« Je recueillis l’enfant ; je déposai sur le rivage la femme assassinée. Qui avait commis le crime, je l’ignore ; je n’ai rien de plus à vous dire. »
En achevant ces mots, Bois-Rosé se recouvrit, se tut et se rassit.
Un morne silence suivit cette déclaration.