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cepté moi, personne ne vous pleurerait si vous veniez à mourir. Vous n’avez rien entendu dire probablement au fond de votre solitude, d’une expédition qu’on vient d’organiser à Arispe ?

— Non.

— Soyez des nôtres. Dans une expédition semblable, un garçon résolu comme vous l’êtes sera une acquisition précieuse ; et de votre côté, un gambusino expérimenté tel que je vous connais, car vous avez été élevé à bonne école, peut faire sa fortune d’un coup… S’il pare la botte que je viens de lui porter, ajouta le bandit en lui-même, ce sera un signe évident qu’il ne sait rien. »

Cuchillo poursuivait ainsi son double but d’investigation et d’intérêt personnel, en sondant Tiburcio et en essayant de se l’attacher par l’espoir du gain. Mais, tout rusé qu’il était, le bandit avait à faire à forte partie.

« C’est donc une expédition de chercheurs d’or, dit froidement le jeune homme.

— Vous l’avez dit ; je vais avec quelques amis à l’hacienda del Venado, et de là nous nous réunissons au préside de Tubac pour aller explorer l’Apacheria, qui renferme, dit-on, tant de trésors. Nous serons une centaine à peu près. »

Tiburcio garda le silence.

« Quoique entre nous, continua Cuchillo, je puisse vous dire que je n’ai jamais dépassé Tubac, je serai cependant un des guides de cette expédition. Eh bien ! qu’en dites-vous ?

— J’ai bien des raisons pour ne pas m’engager sans réflexion, répondit Tiburcio ; je vous demanderai donc vingt-quatre heures pour réfléchir. »

Cette expédition, dont il apprenait si subitement la nouvelle, pouvait en effet anéantir ou favoriser les projets de Tiburcio, qui voila son incertitude sous cette réserve prudente.

« Il ne s’émeut pas ! Ce jeune homme est destiné à rester mon débiteur. »