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bien essayer de se dédommager sur l’un de nous. Je n’ai que ma carabine et vous n’avez pas d’armes.

— J’ai mon poignard.

— Ça ne suffit pas. Montez en croupe derrière moi, et partons. »

Tiburcio suivit ce conseil, en ajournant ses soupçons devant le danger commun ; et, malgré sa double charge, le cheval de Cuchillo s’éloigna rapidement, tandis que les grondements des deux féroces habitants du désert, prêts à se déchirer pour leur proie, devenaient plus sonores et plus prolongés.



CHAPITRE IV

LA COUCHÉE DANS LES BOIS.


Pendant longtemps encore l’écho apporta aux oreilles des deux cavaliers de formidables rugissements mêlés aux hurlements plaintifs des chacals. Ces animaux voraces n’abandonnaient qu’à regret la proie que se disputaient les deux rois des forêts d’Amérique. Bientôt un bruit d’une autre nature prouva l’intervention humaine dans cette scène du désert. En effet, les hurlements cessèrent tout à coup.

« C’est un coup de carabine, dit Tiburcio ; qui peut s’amuser à chasser dans ces solitudes ?

— Quelqu’un de ces chasseurs américains, sans doute, que nous voyons de temps en temps venir à Arispe vendre leurs provisions de peaux de loutre ou de castor, et qui se soucient d’un jaguar ou d’un puma comme d’un chacal. »

Rien ne troublait plus maintenant le calme imposant de la nuit. Les étoiles brillaient au ciel, et à peine une