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forces lui manquèrent-elles à la seconde journée, et il tomba mort en m’entraînant dans sa chute, et en écrasant l’outre suspendue à ma selle. Épuisé par plusieurs nuits sans sommeil, je tombai comme lui, et je n’eus que la force de me traîner hors de la route, pour mourir du moins en paix et ignoré du monde entier.

— Je comprends cela, interrompit Cuchillo ; il est étonnant combien on regrette les parents qui ne nous laissent pas d’héritage. »

Tiburcio aurait pu dire que, sur son lit de mort, sa mère adoptive lui avait laissé un royal et terrible legs, le soin de sa vengeance sur le meurtrier inconnu d’Arellanos, et le secret du val d’Or ; mais il lui eût fallu ajouter que c’était à la condition de chercher toute sa vie ce meurtrier, que la veuve du gambusino lui avait laissé ce secret en mourant.

Tiburcio ne releva pas la réflexion de Cuchillo.

On peut apprécier jusqu’à quel point sa discrétion le servit en cette occasion.

Ainsi, comme Cuchillo, comme don Estévan, Tiburcio connaissait l’existence, l’emplacement exact du val d’Or ; le secret, comme on le verra plus tard, n’en avait pas été gardé par Arellanos. Mais était-ce un concurrent bien dangereux qu’un jeune homme sans appui, sans ressources, et à qui il ne restait plus même un cheval pour le porter ?

« De façon, dit Cuchillo, qui, assis sur le revers de la route, les genoux à la hauteur du menton, jouait avec le couteau passé dans la jarretière de sa botte, qu’à l’exception d’une hutte en bambous que vous avez abandonnée, d’un cheval qui a crevé entre vos jambes, et du costume que vous portez, Arellanos et sa veuve ne vous ont pas laissé d’autre héritage ?

— Rien que la mémoire de leurs bienfaits et la vénération de leur nom.

— Pauvre Arellanos ! je l’ai bien regretté, hasarda im-