Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome I, 1881.djvu/85

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Sans doute, dit le Mexicain, quoique je ne sache pas encore l’intérêt que vous y pouvez avoir.

— C’est mon affaire et encore mon secret. Je ne suis pas de ceux qui vendent la peau de l’ours quand il est encore vivant. Lorsque je pourrai vous dire : « Don Vicente Tragaduros y Despilfarro, j’ai cent mille piastres de dot à votre disposition, sur un mot de vous, » alors seulement je vous dicterai mes conditions, et vous y souscrirez.

— Je ne dis pas non, s’écria le sénateur ; mais j’avoue que je cherche en vain dans ma mémoire une héritière telle que vous espérez la trouver.

— Connaissez-vous la fille du riche propriétaire de l’hacienda del Venado, où nous coucherons demain soir, don Augustin Pena ?

— Oh ! s’écria le sénateur, celle-là doit apporter une dot d’un million, à ce qu’on dit ; mais ce serait folie que d’y prétendre…

— Eh ! eh ! reprit don Estévan, c’est une forteresse qui, bien assiégée, capitulerait tout comme une autre.

— On dit la fille de Pena jolie.

— Charmante.

— Vous la connaissez ? »

Le sénateur regarda l’Espagnol d’un air d’étonnement.

« Et c’est peut-être l’hacienda del Venado qui servait de but à ces périodiques et mystérieux voyages dont on s’entretenait dans Arispe ?

— Précisément.

— Ah ! je comprends, reprit le sénateur d’un air de finesse ; les beaux yeux de la fille vous attiraient chez le père.

— Vous n’y êtes pas ; le père n’était tout simplement que le banquier dans les coffres de qui j’allais renouveler mes provisions de quadruples épuisées.

— Est-ce là, aujourd’hui, le motif du détour que nous faisons pour nous rendre à Tubac ?