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les chevaux de relais et ceux qui avaient déjà servi dans le trajet jusqu’au village abandonné de Huérfano.

À l’aspect du cavalier qui s’avançait, le lazo à la main, l’effroi se répandit dans cette troupe d’animaux encore à moitié sauvages. Au moment où le domestique faisait tournoyer son lacet au-dessus de sa tête, la troupe sauvage s’élança en bondissant ; mais il était déjà trop tard, et le nœud coulant s’enroula autour du cou de deux d’entre eux. Ces animaux avaient trop de fois reconnu la puissance du lazo pour résister, et, la tête baissée, ils suivirent docilement le domestique, tandis que les autres chevaux revenaient se grouper autour de la clochette de la capitana.

Les deux chevaux étant sellés et bridés, le domestique détacha la jument et prit l’avance, escorté par la troupe bondissante, qui se perdit bientôt dans un gros nuage de poussière.

Jusqu’à la Poza, où devait avoir lieu la halte, il n’y avait que quelques heures de route, et comme rien ne pressait d’y arriver avant la nuit, deux chevaux frais devaient suffire à don Estévan et au sénateur.

Celui-ci ne tarda pas à paraître à la porte de la cabane, où il avait consciencieusement fait une sieste, dont ces climats brûlants font éprouver le besoin impérieux. Don Estévan sortait en même temps de la sienne. Bien que l’air fût encore étouffant, il était plus respirable que le matin.

« Caramba ! s’écria le sénateur, c’est du feu que l’on respire, et non pas de l’air, et, si ces cabanes n’étaient pas un nid à scorpions et à serpents, j’y resterais volontiers jusqu’à la nuit, plutôt que de m’élancer de nouveau dans cette fournaise. »

Après cette doléance, le sénateur se hissa péniblement à cheval, et don Estévan et lui prirent les devants. À quelque distance d’eux suivaient Cuchillo et Baraja, et enfin les domestiques et les mules fermaient la marche.