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feuillage sous le vent du sud, et semblait attendre impatiemment l’heure où le dais de brume qui les couvre la nuit allait rafraîchir leurs cimes.

Cuchillo siffla, et, à ce son bien connu, son cheval accourut en galopant. Le pauvre animal avait l’œil éteint par la soif. Son maître, ému de pitié, versa dans une calebasse quelque peu d’eau de son outre, et, bien que ce ne fût qu’une goutte pour l’animal, son œil morne se ranima.

Cuchillo brida, puis sella son cheval, et chaussa ses éperons. Cela fait, il appela un des domestiques de don Estévan, et lui donna l’ordre, de sa part, de harnacher les mules et les chevaux, et de prendre les devants pour apprêter le coucher, qui devait avoir lieu à quelques heures de route, dans un endroit qu’on appelle la Poza (la Citerne), où les voyageurs devaient passer la nuit.

Le domestique objecta que ce n’était pas là le chemin le plus direct pour Tubac, mais bien celui de l’hacienda del Venado (la métairie du Cerf). Cependant, sur la réponse péremptoire de Cuchillo, que l’intention du maître était de séjourner quelques jours à l’hacienda, le domestique se mit en devoir d’exécuter les ordres qui lui étaient transmis.

Le propriétaire de cette vaste exploitation agricole, la seule de cette importance entre Arispe et la frontière, était renommé, dans tout l’espace compris entre ces deux points, comme l’homme le plus généreux envers ses hôtes. Ce fut donc sans répugnance que les gens de la suite des deux voyageurs apprirent qu’en allongeant leur route ils gagneraient du moins quelques jours de repos dans cette hospitalière demeure.

Le domestique chargé des ordres transmis par Cuchillo, après avoir sellé son cheval, se dirigea au galop vers la lisière de la forêt voisine, à l’entrée de laquelle il avait attaché la jument Capitana[1]. Autour d’elle étaient groupés

  1. Celle qui marche en tête.