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raisons. Mais pour que ce récit puisse, dès son début, marcher débarrassé autant que possible de tout retour sur le passé, ces antécédents doivent être connus du lecteur.

Cuchillo, nous l’avons dit, changeait souvent de nom. C’était sous l’un de ces noms qu’il usait si vite que le bandit se trouvait à Tubac, quand il avait fait connaissance du malheureux Arellanos et s’était associé avec lui. Lorsque ce dernier, avant de commencer une nouvelle et périlleuse excursion, était revenu du préside pour revoir sa femme et le jeune homme qu’il aimait comme un fils, il confia à sa femme seule le but de son expédition et lui laissa même un itinéraire exact de la route qu’il devait suivre. Cuchillo ignorait, du reste, cette particularité.

Mais un fait qu’il taisait soigneusement, c’était que lui-même, après avoir entrevu le val d’Or, avait assassiné Arellanos pour s’emparer seul des trésors qu’il contenait. On a vu comment il avait été forcé de fuir à son tour, sans toutefois perdre le fruit de son crime, puisqu’il profitait seul de la vente de son secret. Nous laisserons maintenant le bandit combler lui-même une étroite lacune en expliquant comment il avait fait connaissance du fils d’Arellanos.

« Néanmoins, reprit Cuchillo en rompant le silence, j’ai voulu avoir le cœur net de toute appréhension. De retour à Arispe, je m’informai de la demeure d’Arellanos, et je fus trouver sa veuve pour l’informer de la mort du pauvre Marcos. Mais, à l’exception de la douleur avec laquelle mon message fut accueilli, je n’ai rien vu, rien soupçonné qui pût me faire croire que je n’étais pas le seul possesseur du secret que je viens de vous révéler.

— On croit facilement ce qu’on espère, dit Arechiza.

— Écoutez, seigneur don Estévan, reprit-il, il est deux choses dont je me pique : c’est d’avoir une conscience aussi facile à alarmer qu’une perspicacité difficile à mettre en défaut. »

L’Espagnol ne fit plus d’objections ; il était convaincu,