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— Et cet Arellanos, reprit l’Espagnol, n’a-t-il révélé ce secret à personne autre qu’à vous ?

— Vous savez, répondit Cuchillo, que les gambusinos, avant d’entreprendre une expédition, s’engagent, en jurant sur l’Évangile, à ne révéler les bonanzas qu’ils pourraient trouver qu’avec la permission de leur associé. Arellanos avait fait ce serment, et la mort l’a empêché de le trahir.

— Ne m’avez-vous pas dit qu’après sa première expédition, il était revenu chez lui, et que c’est à Tubac que le hasard vous a fait faire sa connaissance ? N’avait-il pas une femme à qui il ait pu confier sa merveilleuse découverte ? Le contraire ne serait guère probable.

— Hier, un vaguero qui passa par ici m’a appris que la femme d’Arellanos venait de mourir, et, eût-elle la possession de ce secret, l’eût-elle révélé même à son fils…

— Arellanos a laissé un fils ?

— Un fils d’adoption, reprit Cuchillo, car le jeune homme ne connaît ni son père ni sa mère. »

Don Estévan laissa échapper un geste involontaire aussitôt réprimé.

« Ce jeune homme sera sans doute le fils de quelque pauvre diable de cette province ? dit-il négligemment.

— Du tout, il est né en Europe, et probablement en Espagne. »

Arechiza sembla tomber dans une rêverie passagère ; sa tête se pencha sur sa poitrine, comme celle d’un homme qui cherche dans son esprit à rapprocher des dates éparses.

« C’est du moins, reprit Cuchillo, ce qu’a dit le commandant d’un brick de guerre anglais qui vint à Guaymas en 1811. Cet enfant, qui parlait à la fois espagnol et français, avait été capturé après un sanglant combat contre un côtre de cette dernière nation. Un matelot, son père sans doute, avait été tué ou fait prisonnier. Enfin le commandant ne savait que faire de ce jeune garçon, quand Arellanos s’en chargea et en fit un homme, ma foi ; car, tout