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ces troupes nombreuses de chevaux dont les personnages riches ou considérables de l’État de Sonora ont coutume de se faire précéder en voyage. Ces chevaux, d’une race accoutumée à errer en liberté dans d’immenses pâturages, sont aussi vigoureux, après vingt lieues qu’ils ont franchies sans être montés, que s’ils sortaient de l’écurie. On les selle à tour de rôle durant les longs trajets, qui s’exécutent ainsi avec une rapidité égale à celle des postes d’Europe, où chaque relais fournit des chevaux frais. Selon l’usage, une jument ornée d’une clochette et qui servait de guide précédait la remuda[1], composée de trente animaux environ.

Un cavalier de la suite des voyageurs qui s’annonçaient si fastueusement arrivait au galop. Il arrêta la jument, et à l’instant toute la troupe des chevaux fit halte. Au milieu de la poussière que le vent dispersait de part et d’autre, une cavalcade ne tarda pas à se montrer. Elle était composée de cinq cavaliers. Deux d’entre eux paraissaient être les maîtres des trois autres, qui les suivaient d’assez près.

Le premier des deux qui marchaient en tête était un homme dont la stature était au-dessus de la moyenne. Il paraissait avoir dépassé la quarantaine. Un feutre gris à forme basse et à larges bords l’abritait des rayons ardents du soleil. Il était vêtu d’un dolman de drap bleu foncé, richement soutaché de galons de soie, que voilait presque en entier un mouchoir blanc brodé de soie bleu de ciel, qu’on appelle paño de sol. Sous une atmosphère de feu, la blancheur de cette espèce d’écharpe sert, comme le burnous des Arabes, à réverbérer les rayons du soleil. À ses pieds, chaussés de cuir de Cordoue de couleur fauve, une large courroie brodée d’argent et d’or soutenait des éperons de fer. Leurs mollettes à cinq longues pointes et leurs chaînettes sonores faisaient entendre ce cliquetis argentin

  1. Troupe de chevaux de relais.