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vous refusez rien. Caramba ! des tortilles de froment ! de la cecina (viande sèche) ! c’est un repas de prince !

— Mais oui, répondit Cuchillo avec une certaine fatuité, je me traite bien ; du reste, ajouta-t-il, je suis aise que ces mets soient à votre goût, car ils sont à votre entière disposition.

— Vous êtes trop bon, et j’accepte sans façon : l’air du matin m’a ouvert l’appétit.

— Dois-je vous dire, seigneur Cuchillo, tout le bien que j’ai pensé de vous au premier aspect ? dit Baraja en harponnant de la pointe de son long couteau un des morceaux de cecina au milieu des charbons.

— Vous effaroucheriez ma modestie, répliqua Cuchillo ; j’aime mieux vous dire combien le premier coup d’œil m’a prévenu en votre faveur. »

Les deux nouveaux amis échangèrent un salut plein d’affabilité de part et d’autre, et se remirent à manger. Cuchillo reprit la parole.

« Vous plaît-il, seigneur Baraja, que nous parlions un peu de nos affaires ?

— Volontiers !

— Don Estévan Arechiza a donc reçu le message que je lui ai fait parvenir ?

— Il l’a reçu, reprit Baraja. Mais quel est le contenu de ce message ? Vous seul et lui le savez.

— J’y compte bien, murmura Cuchillo.

— Le seigneur Arechiza, continua l’envoyé, allait partir pour Tubac lorsqu’il a reçu votre lettre. Je devais l’accompagner, mais il m’a fait prendre les devants en me disant : « Dans le petit village de Huérfano, vous trouverez un homme du nom de Cuchillo ; vous lui direz que l’affaire qu’il me propose mérite un sérieux examen, et que, comme l’endroit où il m’attend est précisément sur le chemin de Tubac, je le verrai à mon passage. » Ceci, poursuivit le messager, se passait la veille du départ de don Estévan ; j’ai marché plus vite que lui pour exécu-