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tes parut un nouvel arrivant. C’était un homme de haute taille, à la barbe épaisse et noire, vêtu de cuir, comme le premier personnage, et montant un cheval qui paraissait aussi robuste qu’agile. Ces deux hommes firent, en s’apercevant, la même réflexion, justifiée par leurs mines également suspectes.

« Caramba ! murmura le nouvel arrivant, si je n’étais prévenu que ce cavalier est celui vers lequel on m’envoie, je croirais avoir fait une mauvaise rencontre. »

L’homme couché se dit à part lui :

« Si ce maudit sept de bastos m’avait laissé quelques piastres en poche, je les croirais fort exposées, de par Dieu ! »

Cependant le cavalier ne sembla plus hésiter, et, piquant son cheval, qui bondit près des tisons du foyer, il mit courtoisement le chapeau à la main.

« C’est au seigneur don Pedro Cuchillo que j’ai l’honneur de parler sans doute ? dit-il.

— À lui-même, seigneur, dit l’homme nommé Cuchillo, en se levant avec non moins de politesse.

— Et moi, je suis l’envoyé du seigneur Arechiza, que je ne fais que précéder de quelques heures, dit le nouveau venu. Mon nom est Manuel Baraja, votre serviteur.

— Alors, que votre seigneurie veuille bien mettre pied à terre, » dit Cuchillo.

Le nouvel arrivant ne se fit pas répéter cette invitation ; puis, après avoir détaché de ses talons d’énormes éperons, il dessella promptement son cheval, lui attacha une longue courroie autour du cou, et, lui donnant sur le flanc un vigoureux coup de la paume de sa main, il l’envoya, sans plus de cérémonie, partager la maigre provende de son compagnon.

En ce moment, la viande qui rôtissait sur les charbons commença d’exhaler une odeur qu’on aurait pu comparer à celle d’un lampion qui s’éteint ; Baraja jeta de ce côté un regard de convoitise.

« Il me semble, seigneur Cuchillo, dit-il, que vous ne