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gieuse, ou d’inépuisables gîtes d’or à la surface du sol.

Ces gambusinos (c’est ainsi qu’on les désigne), qui sont pour l’industrie minière ce que sont les pionniers américains pour l’agriculture et le commerce, entretiennent par leurs relations, dans lesquelles l’exagération a toujours plus de part que la réalité, le désir de la conquête et la soif de l’or. Quant aux Indiens, leur haine pour la race blanche, et non le désir de conserver des trésors dont ils ignorent le prix, leur fait seule repousser avec fureur ces envahissements progressifs.

La cupidité, stimulée par les récits des gambusinos, souvent aussi par la vue d’une heureuse et riche trouvaille faite dans le désert, s’allume à la voix de quelque aventurier hardi qui prêche une croisade. D’autres aventuriers, des fils de famille ruinés, des gens brouillés avec la justice, se joignent à lui ; une expédition s’organise. Mais, entreprise légèrement, ou témérairement conduite, elle échoue, et à peine, de ceux qui la composaient, en revient-il quelques-uns pour en raconter le désastreux résultat.

À l’époque où reprend le récit que je transcris, en 1830, c’est-à-dire vingt-deux ans après les événements que nous avons racontés, c’était d’une expédition semblable qu’il était question à Arispe, capitale de l’État de Sonora.

L’homme qui l’entreprenait était un étranger, un Espagnol arrivé depuis deux mois à peine, et qu’on connaissait sous le nom de don Estévan de Arechiza.

Ce personnage semblait avoir vécu jadis dans le pays, où cependant personne ne se rappelait l’avoir vu. Il devait être arrivé d’Europe avec un plan conçu à l’avance ; des connaissances topographiques d’une justesse irréprochable, des renseignements positifs sur les hommes et les choses, prouvaient évidemment que la Sonora ne lui était pas étrangère et que son projet était depuis longtemps médité.

Il disposait sans doute aussi de ressources puissantes autant que mystérieuses ; car il menait un train fastueux,