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rejaillit jusque sur Fabian, qui poussa des cris déchirants. Le Canadien n’eut que le temps de le presser sur son cœur dans une étreinte désespérée et d’achever, mais si bas, que l’enfant n’entendit qu’à peine la phrase qu’il avait commencée : « Que j’ai trouvée mourante près de toi. »

Puis il perdit connaissance.

Quand il revint à lui, ce fut au milieu d’une cale infecte. Une soif ardente le dévorait. Il appela d’une voix affaiblie celui qui lui souriait chaque matin à son réveil ; mais personne ne répondit : Fabian n’était plus là. Le matelot était prisonnier, et ce fut dans un ponton qu’il eut à pleurer sur la perte de sa liberté, et sur celle de ce fils adoptif que lui avait envoyé la Providence.

Qu’était devenu Fabian ? c’est ce que l’histoire du Coureur des Bois nous apprendra. Toutefois, avant de passer du prologue au drame et de l’Europe à l’Amérique, il nous reste à compléter le récit des événements d’Elanchovi.

Ce ne fut que quelques jours après la disparition de la comtesse que des pêcheurs trouvèrent son corps inanimé au fond d’un canot abandonné sur la plage.

Le vieux Juan de Dios voila d’un crêpe noir les girouettes du château, dressa de ses mains une croix de bois à l’endroit où sa maîtresse avait été retrouvée. Mais, comme tout s’use dans ce monde et s’use promptement, le vent marin n’avait pas encore rougi le crêpe noir, le flux de la mer n’avait pas encore verdi la croix de bois, que, malgré l’émotion causée dans le village par ce tragique événement, depuis longtemps déjà l’on n’en parlait plus.


FIN DU PROLOGUE.