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une fois franchie, une vaste baie s’ouvrait devant le côtre, dans laquelle la mer plus calme baignait une grève unie et sablonneuse.

Alors, à une manœuvre que l’officier de quart transmit en français, le navire mit en panne avec une célérité qui supposait un nombreux équipage. Deux embarcations furent successivement armées et mises à la mer, et les hommes qui les montaient se dirigèrent vers le sommet de la baie, au-dessus de laquelle on pouvait distinguer, par leur blancheur, quelques maisons disséminées sur la plage.

Disons ici, pour ne pas en faire plus longtemps mystère, que le petit bâtiment était français, moitié corsaire, moitié contrebandier, et qu’il venait dans le double but de mettre à terre une partie de marchandises et d’emporter en retour des provisions de bouche, dont il commençait à manquer.

Le capitaine avait jugé à propos, guidé par un pêcheur d’Elanchovi, qu’avait fourni le capitaine Despierto, d’attaquer cette passe étroite pour se mettre à l’abri pendant le moment où, privé d’un certain nombre de ses matelots, il aurait pu faire au large quelque fâcheuse rencontre.

L’officier de quart se promenait silencieusement sur le pont, écoutant le clapotis de la mer le long des flancs du navire, examinant soigneusement le vent dont le souffle gonflait les voiles disposées en sens contraire, et se penchant de temps à autre vers la lumière de l’habitacle.

Une heure se passa de cette manière, quand une vive fusillade éclata sur tous les points de la côte. D’autres coups de feu y répondirent, et, peu de temps après, les deux embarcations regagnèrent le côtre.

C’était Pepe qui, au grand déplaisir de son capitaine, avait donné l’alarme aux miquelets ; trop tard cependant, car les embarcations revenaient chargées de moutons et de vivres de toute espèce. Le dernier des hommes qui remontèrent sur le pont avant qu’on hissât de nouveau les embarcations aux portemanteaux était un matelot d’une