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je serais heureux de pouvoir venger la femme de mon ancien maître.

— J’approuve vos sentiments, reprit l’alcade d’un air pénétré. Vous êtes un homme doublement estimable par votre chagrin… et vos économies, seigneur de Canelo. »

Puis, changeant de ton subitement :

« Greffier, portez au procès-verbal que le seigneur don Juan de Dios de Canelo y Nabos, ici présent, se constitue partie civile contre les ravisseurs de sa maîtresse ; car, il n’en faut plus douter, messieurs, un crime a été commis, et nous devons à nous-mêmes, nous devons à ce respectable vieillard la satisfaction d’en trouver et d’en punir les auteurs.

— Mais, seigneur alcade, s’écria le concierge stupéfait, je n’ai jamais eu l’intention de me porter partie civile.

— Prenez-y garde, vieillard ! s’écria don Ramon d’un ton solennel ; si vous démentiez ce que vous venez de me confier tout à l’heure, des charges accablantes pèseraient sur vous. Ainsi que me l’a fait remarquer, il n’y a qu’un instant, notre ami Cagatinta, cette échelle, qui vous a servi à escalader la chambre de votre maîtresse, prouverait de sinistres desseins ; mais vous en êtes incapable, je le crois ; restez donc accusateur au lieu de devenir accusé ! Allons, messieurs, notre devoir nous appelle en dehors ; peut-être au bas de cette croisée allons-nous trouver des traces révélatrices. »

Le pauvre Juan de Dios, pris à l’improviste entre les deux cornes de ce dilemme, dont le double résultat devait être le même, c’est-à-dire la spoliation du petit pécule destiné à soutenir sa vieillesse, courba la tête, et, prenant avec une résignation sublime la voix de l’iniquité pour celle de Dieu, il se consola en pensant que ce dernier sacrifice serait peut-être encore utile à ses maîtres.

Nulle trace n’était restée empreinte au pied du balcon, ainsi que nous l’avons dit.

On crut un instant faire une capture importante dans la