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ici le droit d’interroger ? Caramba ! Il me semble que vous me faites jouer un plaisant rôle ! »

Ici Cagatinta intervint d’un air modeste.

« Je répondrai, dit-il, à notre ami Canelo que, si ce carreau brisé l’avait été dans le but qu’il indique, il n’aurait pu l’être que du dehors ; les morceaux seraient par conséquent tombés en dedans, et cependant les voici sur le balcon. C’est donc le vent qui aura fait cette besogne, comme a raison de le croire monseigneur l’alcade, à moins, ajouta-t-il avec un sourire faux, que ce ne soit une malle qu’on aura fait passer sans précaution par la fenêtre ; car la comtesse doit prolonger sa promenade, à en juger par le nombre d’effets qu’elle a emportés, ainsi que l’attestent ces tiroirs vides. »

Le vieux concierge avait baissé la tête devant la preuve qui renversait son assertion, et il n’entendit pas cette dernière remarque de Cagatinta. Quant à celui-ci, il se demandait intérieurement s’il ne devait pas exiger de l’alcade un peu plus encore que la récompense promise, pour prix de ce nouveau service.

Tandis que le vieux serviteur de Mediana était plongé dans de pénibles réflexions qui assombrissaient son front chauve, l’alcade s’approcha doucement de lui.

« J’ai été un peu vif avec vous, lui dit-il ; je n’ai pas assez tenu compte de la douleur que doit ressentir un loyal serviteur comme vous à un coup si imprévu. Mais dites-moi, indépendamment du chagrin que vous devez éprouver, la crainte de l’avenir ne vous tourmente-t-elle pas ? Vous êtes vieux, faible par conséquent et sans ressources.

— C’est parce que je suis vieux, seigneur alcade, et que mon avenir, à moi, est borné, qu’il m’inquiète peu ; mais ma douleur, ajouta le vieux serviteur avec une espèce d’orgueil, est pure de tout mélange ; les générosités des seigneurs de Mediana m’ont mis à même de passer tranquillement le peu de jours qui me restent à vivre. Mais