Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome I, 1881.djvu/489

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vous qui sont l’homme pour le salut duquel vous exposez votre vie et ceux qui veulent généreusement l’épargner ? Savez-vous si nous n’avons pas le droit de demander au chef que vous ne connaissez sans doute que sous le nom de don Estévan Arechiza un compte terrible d’un passé que vous ignorez ? Répondez dans toute la loyauté de votre conscience aux questions que je vais vous faire, et décidez ensuite de quel côté se trouvent la justice et le bon droit. »

Surpris de ce langage, Diaz écoutait en silence, et Fabian continua :

« Si le hasard vous eût fait naître dans une classe privilégiée, héritier d’une grande fortune, porteur d’un nom illustre, et qu’un homme, pour vous enlever cette fortune et ce nom et se les approprier, vous eût rejeté à votre insu dans la foule de ceux à qui la sueur de leur front n’assure pas même le pain de chaque jour, seriez-vous l’ami de cet homme ?

— Je serais son ennemi, répliqua Diaz.

— Si cet homme, poursuivit Fabian, pour effacer jusqu’au souvenir de ce que la naissance a fait de vous, eût assassiné votre mère, qu’aurait-il mérité ?

— La peine du talion. Coup pour coup, sang pour sang, c’est la loi.

— Si, après une poursuite acharnée pendant de longs jours, au milieu de dangers sans cesse renaissants, le sort des armes eût fait tomber enfin entre vos mains le spoliateur de votre nom et le meurtrier de votre mère, lui appliqueriez-vous la loi que vous citez ?

— Je me croirais coupable envers Dieu et envers les hommes de ne pas le faire.

— Eh bien, Diaz, reprit Fabian avec force, on m’a pris mon nom, ma fortune, et on a égorgé ma mère ; du fond de l’abîme où l’on m’a fait tomber, j’ai pu mesurer depuis peu la hauteur de laquelle on m’a précipité ; j’ai poursuivi le meurtrier de ma mère et le spoliateur de