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rant de la jarretière de ses guêtres de cheval un long couteau tranchant.

Le seigneur espagnol, se raffermissant sur ses jambes, ajustait son fusil, indécis un instant sur qui de Fabian ou de Pepe il devait tirer son premier coup ; mais le Canadien veillait de loin. Don Estévan n’avait pas encore mis en joue Fabian, qu’il avait enfin marqué pour sa victime, qu’une balle lancée par le rifle de Bois-Rosé vint frapper entre ses mains l’arme dont il allait faire usage. Le plomb brisa le fusil à l’endroit où le canon se joint au bois.

L’escopette échappa aux mains de don Estévan, qui lui-même perdit l’équilibre et tomba sur le sable.

« Enfin, après quinze ans ! » s’écria Pepe en se précipitant sur don Antonio et en appuyant son genou sur sa poitrine.

L’Espagnol voulut en vain résister. Son bras, engourdi par la violence du coup qui lui avait arraché son arme, refusait tout service. En un clin d’œil, Pepe avait dénoué la ceinture de laine qui faisait plusieurs fois le tour de son corps, et il en étreignit fortement les membres de son ennemi.

Diaz ne pouvait lui porter secours. Il avait à se défendre contre Fabian.

Fabian connaissait à peine Pedro Diaz. Il ne l’avait vu que quelques heures à l’hacienda del Venado ; mais la générosité de sa conduite avait éveillé dans le cœur du jeune homme une chaleureuse sympathie, et il voulait épargner sa vie.

« Rendez-vous, Diaz, » s’écria-t-il en esquivant un coup de poignard que lui portait l’aventurier, résolu à mourir et à ne pas se rendre.

Pendant le peu d’instants que mit le chasseur espagnol à garrotter don Antonio, ce fut entre Fabian et Diaz une lutte égale d’adresse et d’agilité.

Trop loyal pour faire usage de son arme à feu contre un ennemi qui n’avait pour toute défense qu’un poignard,