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sans daigner faire un mouvement, quand Oroche, à son tour, fit mine d’imiter son compagnon ; mais le gambusino, au lieu de perdre son temps à prendre son point de mire, éperonna vigoureusement son cheval derrière celui de Baraja, qui venait de bondir de côté, et tous deux disparurent derrière le rempart de rochers sur l’un des flancs du val d’Or.

« C’est votre faute ! Bois-Rosé. Vous êtes trop généreux, et voilà deux drôles qu’il nous faudra tôt ou tard déloger de leur forteresse. Ah ! si je n’avais écouté que moi ! »

Le Canadien haussait les épaules en murmurant les mots de vermine et de triste engeance, lorsque don Estévan ne parut prendre conseil que d’une détermination désespérée.

« Baissez-vous, pour Dieu, Fabian ! s’écria Bois-Rosé, le coquin va faire feu.

Devant l’assassin de ma mère, jamais ! » dit Fabian restant debout.

Mais, prompt comme la pensée, le bras du géant canadien pesa sur son épaule et le fît ployer sur ses genoux.

Don Estévan chercha vainement un but à son fusil à deux coup. Il ne voyait plus personne sur la plate-forme que le redoutable rifle de Bois-Rosé dirigé sur lui, quoique le chasseur, pour obéir aux ordres de Fabian, ne voulût pas terminer la lutte en jetant à bas de cheval l’homme que son fils voulait prendre vivant.

Avec autant de bravoure que d’intelligence et d’agilité, et ne voyant que le résultat de la terrible sentence prononcée par les trois chasseurs sans en soupçonner le motif, Diaz s’élança en croupe derrière don Estévan, resté à ses côtés, suivant sa recommandation. L’intrépide partisan jeta ses bras autour du cavalier, que le choc avait ébranlé, saisi la bride du cheval, l’enleva rapidement sur ses jarrets, lui fit faire volte-face, et s’enfuit en couvrant de son corps comme d’un bouclier