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Pepe profita d’un moment de silence qui suivit ces derniers mots du gambusino aux longs cheveux pour dire tout bas au Canadien :

« Votre générosité peut nous coûter cher, Bois-Rosé ! Laisser retourner à leur camp ces vautours avides, c’est attirer sur nous toute la bande, car il paraît que les Indiens ont été battus par eux ; c’est moi qui vous le dis, ces gens ne doivent pas sortir d’ici. Plaise à Dieu qu’ils ne veuillent pas consentir à se retirer ; voilà pourquoi je leur refuse de leur laisser emporter le moindre grain de cet or.

— Vous avez peut-être raison, répondit Bois-Rosé d’un air pensif, mais ils ont ma parole, et je ne la retirerai pas. »

Pepe ne s’était pas trompé. La fidélité chancelante d’Oroche et de Baraja n’aurait pas tenu longtemps en face du prodigieux trésor qu’ils avaient entrevu, s’il leur avait été permis d’en prendre leur part, et le refus de l’Espagnol excita chez les deux aventuriers un élan de rage qui leur tint lieu de fidélité envers leur chef.

« Plutôt mourir ici que de reculer d’une semelle ! s’écria Oroche exaspéré.

— Bon ! se dit Pepe.

— Vous n’avez plus que deux minutes pour vous décider, cria Bois-Rosé, dont le canon se dirigeait alternativement sur les trois cavaliers ; croyez-moi, évitez-nous une inutile effusion de sang ; il en est temps encore. Retirez-vous, le temps presse. »

Mediana, le front toujours haut, gardait un sombre silence.

Inébranlable dans ses sentiments d’honneur chevaleresque, Pedro Diaz, résolu à mourir avec le chef dont la vie était si précieuse pour la régénération de son pays, consultait don Estévan du regard.

« Retournez au camp, dit le seigneur espagnol ; aban-