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l’ami, s’écria Oroche en montrant le val d’Or, on se fait arracher les entrailles du corps plutôt que de le céder à personne.

— Vous l’aurez voulu, reprit flegmatiquement le Canadien.

— Attendez, dit Pedro Diaz, je vais terminer la conférence d’un coup de fusil.

— Non, s’écria Mediana en l’arrêtant, voyons d’abord jusqu’où ira la folie de cet étranger. Et quel est celui d’entre nous, l’ami, s’écria-t-il d’un air ironique, à qui vous voulez enseigner la loi du désert ?

— À vous, ne vous déplaise, s’écria la voix de Fabian, qui se montra tout à coup au même instant où Pepe se levait aussi à son côté.

— Ah ! c’est toujours vous ! répondit Mediana d’une voix que la rage et la surprise étouffaient au passage.

Fabian s’inclina profondément.

« Et c’est moi qui vous suis pas à pas depuis quinze jours, s’écria Pepe, et qui rends grâces à Dieu de pouvoir solder enfin un compte vieux de plus de quinze ans.

— Qui êtes-vous ? demanda don Estévan en cherchant en vain à deviner à qui il avait affaire, tant les années et le costume qu’il portait avaient changé l’ancien miquelet garde-côte.

— Pepe le Dormeur, qui n’a pas oublié comme vous son séjour au préside de Ceuta. »

À ce nom qui lui expliquait la menace de Fabian au pont du Salto de Agua, don Estévan perdit tout à coup l’air de mépris qu’avait jusque-là porté sa physionomie. Un soudain pressentiment l’avertit que sa fortune touchait à son déclin. Il jeta autour de lui un regard d’inquiétude.

Les rochers élevés qui, d’un côté, formaient l’enceinte du val d’Or, pouvaient le protéger contre le feu des chasseurs, maîtres de la plate forme. Un court espace l’en séparait et un instant la prudence lui conseilla