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qui descend de cheval et s’avance vers l’enceinte des saules.

— Oui, dit Fabian, ils ont de bonnes raisons pour savoir le chemin. Mais n’y a-t-il pas parmi eux un homme vêtu de gamuza[1], montant un cheval gris pommelé ? S’il y est, c’est Cuchillo.

— Il n’y est pas, reprit le chasseur ; mais, tenez, l’homme au manteau se baisse, il ramasse du sable et le vanne dans sa main. Il entr’ouvre le rideau de lianes, il disparaît derrière la haie… Ah ! le coquin a trouvé le gîte, poursuivit le chasseur, mais je me trompe beaucoup, ou nous allons le faire décompter tout à l’heure. »

Il y eut un moment de silence pendant lequel les trois amis retinrent jusqu’à leur haleine. Le chasseur se remit bientôt en observation.

« Il me semble voir les eaux du lac s’agiter, dit-il. Ah ! l’homme au manteau est sorti de l’enceinte ; il parle à l’un de ses compagnons, et tous deux se mettent à gambader comme des fous ; la joie leur trouble le cerveau, et je le crois sans peine ; rarement ces gens qui ne cherchent que l’or en ont trouvé un gîte semblable à celui-ci ; mais ils sont seuls et le moment est arrivé où il faut leur faire voir que ce trésor n’appartient qu’à nous. Nous ne pouvons tuer des chrétiens comme des chiens ou des Apaches, ce qui est la même chose ; nous les sommerons donc de se rendre à discrétion. »

En disant ces mots, Bois-Rosé se relevait lentement, semblable à l’aigle agitant, avant de les déployer dans toute leur envergure, les puissantes ailes dont le vol rapide va le jeter dans la foudre de son aire élevée jusqu’à la plaine.

Rassurés par l’examen des lieux, qui paraissaient complètement déserts, Oroche et Baraja, remontes sur leurs chevaux, avaient fait signe à don Estévan et à Pedro Diaz, restés en arrière, de venir les rejoindre.

  1. Peau de daim tannée.