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« Ah ! dit Bois-Rosé à voix basse, je reconnais à présent parmi ces cavaliers un de ceux que j’ai vus la nuit à la Poza, celui qui se fait appeler don Estévan, et qui n’est autre que don Antonio de Mediana… que son étoile nous livre enfin !

— Don Antonio de Mediana ! répéta Fabian. Est-ce possible ? Ne vous trompez-vous pas ?

— C’est lui ! vous dis-je.

— Ah ! s’écria Fabian, je le vois à présent, c’était le doigt de Dieu qui me poussait malgré moi vers cet endroit maudit. Mânes de ma mère, ajouta-t-il tout bas, réjouissez-vous au fond de votre tombeau ! »

Pepe garda le silence ; mais, au nom qu’il venait d’entendre, il leva la tête à son tour. La haine brillait dans son regard, et son œil semblait mesurer la distance qui le séparait encore de celui dont il avait à tirer vengeance. Un habile tireur comme Bois-Rosé eût à peine atteint l’un des cavaliers, et Pepe se cacha de nouveau derrière la crête du rocher.

« Ne vous levez donc pas ainsi, Pepe, dit le Canadien ; autrement vous nous ferez découvrir !

— N’apercevez-vous pas d’autres cavaliers derrière ceux-ci ? demanda Fabian.

— Personne. Depuis la pointe là-bas, où la rivière se divise en deux branches, jusqu’ici, je ne vois que de la brume et du soleil, et pas un être vivant… à moins, reprit Bois-Rosé après s’être un instant interrompu comme s’il cherchait à se rendre compte de l’apparition d’un objet lointain, à moins que cette masse noire que je vois flotter sur la rivière ne soit pas, ainsi que je le présume, un arbre mort en dérive. En tous cas, que ce soit un tronc ou un canot d’écorce, la masse noire suit le fil de l’eau et par conséquent s’éloigne de nous.

— Qu’importe ? dit Fabian, plus intéressé à surveiller don Antonio qu’à s’occuper d’un objet éloigné, décrivez-moi les cavaliers qui accompagnent le chef ; peut-être