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que cette éminence, d’où nous pourrions défier une tribu de saurages tout entière ; rien ne prouve non plus qu’ils aient l’intention de s’arrêter ici. En attendant, je vais les surveiller. »

En disant ces mots, le Canadien se couchait à plat ventre et s’arrangeait de manière à cacher sa tête entre des pierres qui garnissaient comme des créneaux le sommet de la pyramide, sans perdre de vue toutefois les quatre cavaliers. On commençait à entendre le bruit des pas de leurs chevaux au milieu du silence de la plaine.

Le vieux chasseur les vit faire halte un instant et se consulter : mais leur voix n’arrivait pas jusqu’à lui.

« Pourquoi ce retard, Diaz ? disait le duc de l’Armada à son confident, et non sans quelque impatience ; le temps presse, et nous en avons déjà trop perdu.

— La prudence exige que nous n’avancions pas ainsi sans reconnaître d’abord les lieux.

— Ne sont-ils pas conformes à la description que nous en a donnée Cuchillo ?

— C’est vrai, mais le coquin doit être caché quelque part par ici, puisque nous avons encore retrouvé tout à l’heure ses traces dans la direction de ce rocher ; il peut n’être pas seul, et nous avons tout à craindre de lui. »

Don Estévan fît un signe de dédain.

« Diaz ne se trompe pas, à mon avis, dit Baraja : personne ne m’ôterait de l’idée que j’ai vu comme l’ombre d’un homme sur le sommet de ce rocher.

— Toutes les offrandes déposées par les Indiens à l’entrée de ces défilés, ajouta Oroche, prouvent que cet endroit est fréquenté par eux ; la solitude n’est peut-être pas aussi complète qu’elle le paraît. Les Indiens sont plus à craindre que Cuchillo, et la vie du seigneur don Estévan est celle qu’on doit le moins exposer. »

Don Estévan se rendit à ces raisons, et Oroche désigné pour aller explorer les lieux, mit pied à terre et se détacha du groupe.