Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome I, 1881.djvu/471

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

compagnons d’une part, entre Fabian et ses deux amis de l’autre.

Un frisson de joie diabolique vint se mêler à ceux que lui causait la fraîcheur des eaux du lac. Il était là comme l’oiseau de proie qui attend, en planant dans les nuages, que le champ de bataille lui livre sa pâture.

Il lui fut facile de pressentir une lutte mortelle entre Fabian et le duc de l’Armada ; et il calcula rapidement les chances favorables qui lui restaient encore.

Si les trois chasseurs étaient vainqueurs, il n’avait rien ou peu de chose à redouter de Fabian, qui était toujours à ses yeux Tiburcio Arellanos. Les Mexicains de basse classe ne regardent le plus souvent, entre eux, un coup de couteau que comme une chose de peu d’importance, et il espérait se faire pardonner celui dont il avait gratifié Tiburcio, en rejetant sur don Estévan tout l’odieux de sa conduite.

Si ce dernier restait maître de la place, il se flattait de colorer facilement sa désertion d’un prétexte plausible. Il se décida donc à laisser commencer la lutte, et à se porter, au moment décisif, au secours du plus fort, certain à peu près que, de quelque côté que demeurât l’avantage, son intervention devait plaider sa cause et achever de la gagner.

Pendant que Cuchillo essayait de se consoler de sa mésaventure par tous ces raisonnements, qui ne laissaient pas que d’être assez spécieux, Bois-Rosé avait pu distinguer la couleur des nouveaux venus.

« Ce sont quatre cavaliers du camp mexicain, dit-il.

— Je l’avais bien prévu, s’écria Fabian ; nous allons avoir toute la troupe sur les bras et nous trouver pris ici comme des chevaux sauvages dans une estacade.

— Chut ! répondit Bois-Rosé, et rapportez-vous-en à moi pour vous sortir de ce mauvais pas. Rien ne prouve qu’il y ait d’autres cavaliers derrière ceux-ci, et, en tout cas, nous ne pourrions choisir un poste plus avantageux