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maine, un homme possesseur comme lui du secret de sa vie, foulant d’un pied profane le trésor qu’il croyait ne devoir appartenir qu’à lui seul.

Bois-Rosé et Fabian étaient invisibles à ses yeux derrière la ceinture épaisse du val d’Or ; Cuchillo pensa que l’ex-carabinier était seul, et sans réflexion, et presque sans se donner le temps d’ajuster, il avait fait feu sur lui.

C’est ainsi que Pepe avait échappé à la balle de la carabine qu’il avait entendue siffler à ses oreilles.

Il faut renoncer à peindre la rage et la stupéfaction du bandit quand, caché lui-même derrière des branches de sapin, il vit deux hommes se joindre à Pepe ; quand dans l’un d’eux il reconnut à sa haute stature l’un des terribles chasseurs qu’il avait vus à l’œuvre contre les tigres à la Poza, et dans l’autre Fabian, celui qui, deux fois déjà, avait échappé à ses embûches.

Un frisson mortel glaça un instant son cœur dans sa poitrine ; Cuchillo chancela éperdu : il lui fallait fuir une fois encore ce val d’Or, dont une fatalité semblait toujours devoir l’éloigner et n’allumer chez lui que d’insatiables désirs.

Heureusement pour le bandit, la brume épaisse flottant encore au sommet de la pyramide le déroba aux regards des trois ennemis qui montaient vers lui.

Quand ils arrivèrent au haut de l’éminence, Cuchillo avait pu, sans être aperçu, descendre par le versant opposé, après avoir eu le temps de reconnaître aussi dans le lointain don Estévan et sa suite. Ce fut un nouveau sujet de crainte et de surprise pour le bandit, qui, se glissant comme un serpent le long des rochers, vint se cacher sous les feuilles des nénufars, dans les eaux du lac, résolu à attendre le dénoûment de son étrange aventure.

Cuchillo était caché à tous les yeux, prêt à profiter du conflit qui allait s’engager entre don Estévan et ses trois