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s’en trouvait par hasard dans le voisinage, et il s’achemina vers le pied de la pyramide.

Il ne put cependant s’empêcher de jeter en passant un coup d’œil à la fois avide et anxieux sur le vallon aux cailloux d’or. Une pensée soudaine était venue dissiper un instant son extase. Le placer était-il toujours vierge comme lorsqu’il l’avait quitté deux ans auparavant ?

Un simple coup d’œil le rassura. Rien n’était changé à l’aspect du val d’Or ; c’étaient toujours ces radieux faisceaux de lumière que lançaient les amas du précieux métal. Le voyageur dévoré de la soif au milieu de l’immensité des sables embrasés n’aperçoit pas avec plus de joie l’oasis aux eaux courantes où il va se désaltérer ; jamais, aux temps mythologiques, faune ou satyre ne lança sur une nymphe surprise au bain, sous l’ombre discrète du feuillage, des regards plus ardents que Cuchillo sur les monceaux d’or natif brillant à travers la haie de cotonniers.

Tout autre aventurier que son heureuse étoile eût guidé vers cet endroit se fût hâté de se charger d’autant d’or qu’il en eût pu porter, et de s’enfuir avec son butin. Mais chez Cuchillo la cupidité était une passion réfléchie et poussée jusqu’à ses dernières limites. Avant de le déflorer, le bandit voulait repaître ses yeux de ce trésor caressé pendant deux années dans sa pensée, et pour lequel il n’avait pas hésité à sacrifier la vie de tous ses compagnons d’aventures.

Après quelques instants donnés à une contemplation pleine d’extase, Cuchillo prit son cheval par la bride, marcha rapidement vers les montagnes, et l’attacha à l’un des buissons qui croissaient dans une gorge assez profonde pour le cacher à tous les yeux ; puis il se mit en devoir d’escalader la pyramide.

Arrivé au sommet, il avait parcouru de l’œil les solitudes environnantes pour s’assurer qu’il était bien seul. Un examen attentif de quelques minutes l’avait de nou-