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ils s’arrêtèrent un instant pour reprendre haleine ; puis, le cœur en proie à une incertitude pénible, ils continuèrent leur périlleuse escalade. Un cri de triomphe jeté par Pepe prouva qu’il était arrivé sain et sauf. Ses deux compagnons répondirent à son cri et ne tardèrent pas à gagner eux-mêmes la plate-forme. Elle était déserte.

Au moment où les trois amis, désappointés de leur peu de succès et presque invisibles l’un à l’autre au milieu des vapeurs, se disposaient à redescendre dans la plaine, une rafale soudaine du vent qui soufflait sur les sommets dépouillés des collines chassa brusquement le brouillard et leur permit de plonger leur vue dans le lointain.

À droite et à gauche, c’était l’image la plus complète du désert dans toute sa morne tristesse : des plaines arides où tourbillonnaient des trombes de sable, un terrain stérile et desséché que le soleil couvrait d’une nappe ardente, partout le silence, partout l’immobilité, excepté cependant d’un côté.

Bien loin de l’enceinte de saules et de cotonniers qui de la plaine masquaient l’entrée du val d’Or, quatre cavaliers, presque ensevelis dans la brume de la rivière, d’où ils semblaient sortir, s’avançaient serrés l’un contre l’autre, la carabine au poing. Toutefois la distance où se trouvaient encore les nouveaux venus était assez grande pour que ceux qui occupaient la plate-forme du rocher ne pussent distinguer ni leurs costumes ni la couleur de leur teint.

« Va-t-il nous falloir soutenir encore un siège ici ? s’écria Bois-Rosé. Sont-ce des blancs, sont-ce des Peaux-Rouges ?

— Peaux-Rouges ou blanches, ce sont certainement des ennemis, » dit Pepe.

Pendant que les trois aventuriers se baissaient pour ne pas être aperçus, un personnage jusqu’alors invisible aux deux partis entrait doucement dans le lac. Il écarta avec précaution les feuilles flottantes des nénufars, forma de