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jamais vaincu, il ne restait plus que l’hôte des bois purifié par le repentir et la solitude.

Le genou toujours incliné sur la terre, Pepe avait fermé les yeux ; une larme furtive, larme inaperçue de ses deux compagnons comme la lutte dont il sortait vainqueur, se fit jour à travers sa paupière et roula sur sa joue bronzée.

« Seigneur comte de Mediana, s’écria-t-il en se relevant, vous êtes dès aujourd’hui un riche et puissant seigneur, car tout cet or est à vous seul ! »

En disant ces mots, il découvrit son front et s’inclina respectueusement par un effort sublime devant celui qui désormais n’avait plus rien à lui pardonner.

« À Dieu ne plaise, dit vivement Fabian, que vous ne partagiez avec moi cet or, après avoir partagé nos périls ! Qu’en dites-vous, Bois-Rosé ? Ne vous réjouissez-vous pas de devenir aussi dans votre vieillesse un riche et puissant seigneur ? »

Mais toujours et tranquillement appuyé sur le canon de sa carabine, Bois-Rosé, impassible devant tant de richesses comme le rocher qui s’élevait au-dessus d’elles, se contenta de secouer la tête, tandis qu’un sourire d’ineffable tendresse pour Fabian témoignait de l’unique intérêt qu’il prenait à ce merveilleux spectacle.

— Je pense comme mon ami Pepe, reprit le Canadien ; que ferai-je de ces biens que tout le monde convoite ? Si cet or a pour nous une valeur inestimable, c’est parce qu’il doit vous appartenir ; la possession du moindre de ces cailloux ôterait à ses yeux comme aux miens le prix du service que nous avons pu vous rendre. Mais le moment est venu d’agir et non de parler ; à coup sûr nous ne sommes pas seuls dans ces solitudes. »

Cette dernière réflexion rappelait qu’en effet le temps était précieux. Pepe, le premier, écartant les branchages des cotonniers, se fit jour à travers l’enceinte de verdure ; mais à peine avait-il pénétré dans le val d’Or que l’explo-