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est ténèbres ainsi que sur la mer quand le phare qui guide le marin s’est éteint.

L’âme attristée, comme quand on n’espère plus, Fabian s’avança machinalement vers la ceinture d’arbustes touffus qui formait devant lui un fourré presque impénétrable. Mais à peine eut-il frayé un passage à sa vue au milieu des branches entrelacées, qu’il s’arrêta immobile de surprise et dans une silencieuse contemplation.

L’ombre bleuâtre qui régnait encore au fond du vallon disparaissait devant le soleil et découvrait en s’évanouissant graduellement d’innombrables et mystérieuses lueurs. Pressées comme les galets sur la grève, les cailloux d’où jaillissaient ces lueurs n’auraient pas pu se compter.

Tout autre qu’un chercheur d’or se fût mépris à l’aspect de ces cailloux semblables aux vitrifications semées au pied des volcans ; mais l’œil exercé de Fabian n’eut besoin que de les entrevoir un seul instant pour reconnaître sous leur enveloppe argileuse, l’or vierge, l’or natif, tel que les torrents l’apportent des montagnes dans la plaine.

Devant ses yeux s’étendait le plus riche trésor qui se fût jamais dévoilé aux recherches de l’homme.

Cependant, si la brise eût apporté à travers les déserts aux oreilles du jeune comte de Mediana les accents de la voix de Rosarita quand elle le rappelait quelques jours avant à l’hacienda, il eût quitté joyeusement tous ces trésors pour courir vers elle.

Mais le vent était muet, et il y a dans l’or une fascination telle, que Fabian, en dépit de sa mortelle tristesse, éprouva un insurmontable vertige.

Toutefois ce vertige fut de courte durée : l’âme de Fabian était de celles que la prospérité n’enivre pas, et, après quelques minutes d’une exaltation dont le cœur le plus désintéressé n’eût pu se défendre, il appela ses deux compagnons.