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« Nous ferons le tour de ce rocher conique, reprit Bois-Rosé, peut-être là le terrain nous en dira-t-il plus long. Venez, Pepe ; Fabian, attendez-nous ici. »

Les deux chasseurs s’éloignèrent ; Fabian resta seul et pensif. Ce val d’Or dont il avait rêvé la conquête au temps où son cœur abritait de si douces espérances, ce val d’Or était là quelque part près de lui. Ce rêve, qu’il n’osait autrefois caresser que comme une chimère, était à présent une réalité ; et Fabian était plus malheureux qu’à l’époque où l’amour qui espère souriait encore à sa pauvreté. C’est ainsi que le bonheur s’éloigne toujours au moment où on croit le saisir.

Parfois, dans le silence des forêts, le voyageur prête une oreille avide aux notes mélodieuses du cenzontlé[1], pour ne pas perdre un seul de ses accents. Il s’avance avec précaution vers l’endroit où, caché sous le feuillage, l’oiseau des solitudes ne veut confier qu’à elles seules ses plus suaves accords. Vain espoir ! le voyageur a beau marcher, le chantre ailé s’enfuit, sa voix est toujours aussi lointaine, et lui-même toujours aussi invisible.

Ainsi l’homme entend souvent dans le lointain des voix qui lui chantent le bonheur. Séduit par leur charme, il accourt à elles, mais elles fuient sans cesse à son approche, et sa vie se passe à poursuivre, sans jamais pouvoir l’atteindre, ce bonheur que lui promettaient des voix trompeuses.

Pour Fabian, le bonheur n’était plus au val d’Or ; il n’était plus nulle part. Aucune voix lointaine ne chantait à présent dans la solitude de sa vie ; le voyageur n’avait plus de but à poursuivre, plus d’image fuyante, mais toujours caressée avec l’espoir de l’enlacer enfin dans ses bras.

Fabian était dans l’un de ces moments que Dieu fait rares heureusement dans la vie, pendant lesquels tout

  1. L’oiseau moqueur.