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vie le crime rester sans châtiment ; souvent on retrouve des empreintes qu’on croit effacées depuis longtemps, la voix de la solitude s’élève même parfois contre le coupable. Si l’assassin n’est pas mort, la cupidité le conduira de nouveau dans cet endroit, ce qui ne tardera pas, sans doute, car il est peut-être dans le camp mexicain. Maintenant, Fabian, attendrons-nous l’ennemi dans ces lieux, ou remplirons nous nos poches d’or pour retourner aux habitations ? C’est ce que vous déciderez. »

En disant ces mots, le pauvre Bois-Rosé soupira.

« Je ne sais que décider, répondit Fabian ; c’est presque contre ma volonté que je viens ici ; j’obéis à votre influence, il est vrai, mais je dirais presque à une volonté plus forte que la mienne et que la vôtre. Je sens qu’une main invisible me pousse comme le soir où, sans me rendre compte de mes pensées, je venais vers vous m’asseoir à votre foyer. Pourquoi, moi qui ne saurais que faire de cet or, exposé-je ma vie pour le conquérir ? Je l’ignore. Je ne sais qu’une chose, c’est que me voici, le cœur triste et l’âme pleine d’une cruelle incertitude.

— L’homme n’est que le jouet de la Providence, il est vrai, dit Bois-Rosé ; cependant, quant à la tristesse que vous éprouvez, l’aspect de ces lieux la justifie suffisamment, et quant à… »

Un cri rauque, une espèce de rugissement humain interrompit le Canadien et se mêla au grondement de la chute d’eau.

Ce cri semblait sortir du sépulcre indien et s’élever comme une voix accusatrice contre les envahisseurs de la demeure des morts.

Les trois chasseurs, surpris, levèrent à la fois la tête vers le sommet de la pyramide ; mais nulle créature vivante ne s’y montrait. L’œil de l’un des oiseaux de proie planant au-dessus du rocher eût pu seul apercevoir l’auteur de ce cri jeté si subitement aux échos de la solitude.

L’imposante solennité des lieux, les souvenirs san-